Daniel Pimienta
Président de l'Association Réseaux et Développement (FUNREDES),
[email protected]
http://funredes.org
Version 1, 11/95, présentée au Quatrième Forum Latino-américain des réseaux, Lima, 5/95 et à la conférence ITS-95 (International Telecommunication Society), Séville, 8/95.
Version 2, mise à jour 6/8/97, pour le Forum de l'AUPELF/UREF, Hanoï, 25/26 octobre 1997
COPYRIGHT: FUNREDES 11/1995, 8/1997
MOTS CLEFS: Réseaux de la recherche, Internet, Télécommunications, Opérateurs, Infostructure, Pays en Développement, Sud, République Dominicaine, Haïti, Pérou, REDALC, REDID, REHRED, FUNREDES, RCP.
Traduction de l'anglais de la version 1: Compliments de l'Union Latine
Cet article traite des relations entre les opérateurs de télécommunications et les réseaux de la recherche dans les pays en voie de développement. Le concept de relations de profit mutuel est présenté comme un objectif à atteindre. D'un côté, les opérateurs de télécommunications pourraient tirer profit des réseaux de la recherche en ce qui concerne la création des marchés pour les données et les réseaux à valeur ajoutée, ainsi que du transfert de savoir-faire technique dans le domaine des réseaux. De l'autre, les réseaux de la recherche tireraient profit des services offerts par les opérateurs de télécommunications, en premier lieu l'accès à des lignes spécialisées à haute vitesse, qui représentent une large proportion de leurs dépenses. De telles relations de synergie seraient profitables au développement du pays.
Les raisons pour lesquelles la négociation entre les deux partenaires est une excellente façon d'aborder la question sont exposées, ainsi que des suggestions, destinées aux réseaux de la recherche, relatives à la conduite de négociations efficaces. Des arguments visant à persuader les opérateurs de télécommunications qu'il s'agit de la bonne voie à suivre, sur le plan commercial, sont donnés. L'article se réfère aux recommandations UIT/Unesco et aux projets REDALC de réseaux de la recherche dominicain (REDID), haïtien (REHRED) et péruvien (RCP), qui ont servi de prototypes à cette approche (voir références en ligne en bas de l'article).
L'importance des télécommunications pour le développement a déjà été démontrée (voir, par exemple, "Telecommunications and Economic Development", par R.J. Saunders et al, A World Bank Publication, Johns Hopkins, 1983). Pour des raisons différentes, sciences et technologies représentent un élément primordial pour le développement. Outre l'importance qu'ils revêtent pour le développement d'un pays, ces deux domaines sont essentiels à l'indépendance de celui-ci.
Les technologies et les marchés des télécommunications, de l'informatique et des médias sont en fusion pour donner naissance au plus important couple (défi, opportunité) que le développement mondial a connu depuis Gutemberg: les infrastructures de l'information (ou "infostructures). En ce moment, un soin tout particulier devrait être apporté, dans les pays du Sud, à la mise en place de relations de synergie entre le monde de la recherche et le secteur des télécommunications. Cette question va au-delà des intérêts directs de ces deux groupes : elle sert de base à la création d'un secteur recherche et développement orienté vers des solutions propres au développement et soutient le nécessaire transfert des technologies, en combinant harmonieusement le savoir local avec les enseignements tirés de l'extérieur. Une nouvelle forme de recherche axée sur une collaboration flexible se développe grâce aux réseaux. Dans ce contexte, la recherche s'oriente vers le développement, avec une rétro-alimentation qui modifie à la fois le calendrier et la fonction même de la recherche. En tant que véhicule de la collaboration dans la recherche et l'éducation à distance, les réseaux permettent de bâtir les ressources humaines et les capacités institutionnelles.
Les rapports existant, dans les pays en voie de développement, entre les opérateurs de télécommunications et les réseaux de la recherche représentent une excellente opportunité de commencer à tester la validité de ce nouveau paradigme.
Les tarifs préférentiels qui pourraient être accordés dans ce cadre ne sont pas à considérer comme des subventions (ce qui viendrait contredire le mouvement général de libéralisation actuellement en cours dans le secteur des télécommunications), mais plutôt comme ce qu'ils sont réellement: un échange économique équilibré. En effet, il existe d'évidentes raisons commerciales à la participation des entreprises de télécommunications à une alliance qui renforce à la fois leur productivité et la demande de services de télécommunications.
Les coûts des communications nationales et internationales continuent à représenter le poste le plus important du budget d'un réseau national de recherche et, bien souvent, le principal obstacle à la croissance de ces réseaux dans les pays du Sud. Cependant, dans la plupart des pays en voie de développement, les marchés de la communication de données et des réseaux à valeur ajoutée naissent lentement, et le syndrome de la poule et de l'oeuf, qui lie utilisateurs et services, ne pourrait être rompu aisément au moyen des techniques classiques de marketing.
D'un côté, les réseaux de la recherche ont, presque partout, été à l'origine de la base initiale d'utilisateurs des services à valeur ajoutée, en acquérant un savoir-faire inégalable en termes de dissémination vers l'utilisateur des technologies de communication et de création de contenus d'information.
De l'autre côté, les opérateurs de télécommunications sont les fournisseurs et fixent le prix pour l'utilisation des équipements de transmission de données: les conditions tarifaires de l'offre de service auront la propriété, selon le critère établi, d'étendre ou restreindre le marché.
Ce contexte offre une occasion unique de mettre en place des relations de partenariat qui profiteront aux deux parties, de manière équilibrée, et, en fin de compte, au développement du pays dans son ensemble.
Les opérateurs de télécommunications doivent examiner les tendances du marché des télécommunications en ce qui concerne l'importance relative de la voix par rapport aux données, ou bien des contenus par rapport à la transmission physique des données. Ils doivent reconnaître le rôle fondamental des chercheurs dans la création des outils et de la culture de la société de l'information. Ils seront alors à même de comprendre que la collaboration avec les chercheurs pourrait se révéler un investissement rentable à moyen et à long terme.
Dans certains cas particuliers, l'opérateur de télécommunications peut être très sensible au court terme et, par là même, peu disposé à perdre des recettes immédiates sur un segment précis du marché, malgré la perspective d'une rentabilité de cet investissement à moyen terme. Dans de tels cas, il devrait comprendre l'avantage d'une "risk-venture" caractérisée par un investissement extrêmement marginal et des bénéfices potentiels importants à long terme. Les marchés des télécommunications évoluent trop rapidement et profondément pour justifier des comportements qui se fondent sur des arguments dépassés[1].
Cet article prétend, en généralisant les résultats des projets REDALC[2], conceptualiser un schéma de négociation entre les réseaux de la recherche et les opérateurs de télécommunications axé sur le concept de respect mutuel et de profits mutuels[3].
| Il existe un domaine d'intérêt commun entre les opérateurs de télécommunications et les réseaux de la recherche : le développement et la croissance d'une base d'utilisateurs. |
Les deux groupes ont intérêt à ce que les citoyens et les professionnels deviennent des utilisateurs réguliers des nouvelles technologies de l'information et de la communication; les uns pour des raisons commerciales, les autres parce que leur vocation est d'aider le plus grand nombre possible de chercheurs à devenir des utilisateurs personnellement et globalement satisfaits des réseaux. Et aussi parce que plus les acteurs du Sud seront habilités à utiliser les réseaux, plus forts ils seront pour représenter et défendre les intérêts du Sud dans l'émergence de la nouvelle société de l'information[4].
Les membres des réseaux de recherche présentent, pour les opérateurs de télécommunications, les avantages exceptionnels suivants :
|
- Ils constituent un sous-ensemble de leur base de consommateurs, sous-ensemble d'importance mineure quant aux recettes directes mais fortement influent quant aux recettes indirectes. - Le plus souvent ils représentent un savoir-faire global en information, en réseaux et en communication de données, qui pourrait aisément compléter les compétences et expériences existant au sein de leur structure. - Ils fournissent des informations le plus souvent gratuites et de grand intérêt. - Ils ne sont pas, et ne seront sûrement jamais, des concurrents. |
Importance mineure sur les recettes directes.
L'ensemble du marché des services à valeur ajoutée peut être classifié de différentes façons, l'une d'entre elles étant entre les marchés professionnels et les marchés personnels (le marché du grand public qui, en termes de volume, est le plus vaste). Si l'on ne s'intéresse qu'au marché des professionnels (qu'il s'agisse des micro, petites, moyennes ou grandes entreprises, que celles-ci soient nationalisées, axées sur le profit ou non), alors, en termes de pourcentage sociétés/institutions, le total des universités et des ONG liées à la recherche représente un chiffre de l'ordre de 1 %. Cela reste marginal, eu égard aux recettes potentielles issues des services de télécommunications (quoiqu'on pourrait être induit en erreur par la situation initiale puisqu'elles sont, traditionnellement, le premier segment de marché à savoir comment utiliser ces services[5]).
Forte incidence sur les recettes indirectes
Cependant, les chercheurs exercent une incomparable et très forte influence sur le marché. En premier lieu, parce qu'ils forment les futurs cadres supérieurs et, aussi, parce que la plupart d'entre eux constituent un modèle pour les sociétés privées, par leur capacité à intégrer la technologie. Qui plus est, dans la plupart des pays du Sud, la situation économique conduit les chercheurs à créer une structure qui leur est propre (commerciale ou ONG) et à tisser des liens plus étroits avec le monde des affaires. Enfin, dans la mesure où les sites d'information à but non lucratif se multiplient, qu'ils soient issus de la recherche, de l'enseignement ou d'institutions publiques, les clients des sociétés privées y ont également accès, ce qui profite au commerce, au développement et aux télécommunications, qui voient leurs revenus augmenter.
Quelle est la corrélation entre la décision d'achat d'un client et divers paramètres tels que :
Dans le cas des nouvelles technologies de l'information, le premier facteur l'emporterait largement[6]. Bien entendu, le récent phénomène de médiatisation de l'Internet requiert la prise en compte d'un nouveau et très important paramètre: «l'effet de mode». Cependant, celui-ci n'apporte pas nécessairement entière satisfaction aux utilisateurs, car une plus grande quantité d'utilisateurs sur le réseau ne signifie pas nécessairement une utilisation effective et profitable de ce dernier.
Savoir-faire en technologie de réseaux
Le savoir-faire acquis par l'ensemble des chercheurs en ligne est réel et s'est traduit par une impressionnante quantité de programmes gratuits qui représenteraient une partie notable du marché s'ils étaient commercialisés. L'avance de cette communauté en termes de créativité pour modeler l'avenir de l'autoroute de l'information ne doit pas être sous-estimée. Au sein de ce groupe et quel que soit le pays considéré (du Nord comme du Sud), on rencontre :
Fournisseur d'informations de qualité
Les chercheurs sont à l'origine de la première base d'informations gratuite. Les contenus offerts par les chercheurs, à l'origine réservés aux chercheurs, ont également attiré les professionnels et pourrait éveiller l'intérêt des autres utilisateurs. Les nouveaux acteurs commerciaux sur l'Internet organisent leur ressources d'information à partir de la base établie par les chercheurs. Dans les régions où le coût de la communication de données pèse lourd dans les budgets, les clients professionnels, après les premières expériences et exaltations de la navigation graphique, apprendront à estimer le rapport information réelle/volume d'information et à apprécier les recherches basées sur le contenu que leur offre gratuitement le monde universitaire pour répondre à leur besoins en matière d'information par un investissement minimal en temps et en coût.
Non concurrents
La vocation des réseaux de la recherche est de faciliter aux chercheurs l'accès aux services proposés par les réseaux, et non pas de vendre des services à tout le marché. Malgré cela, étant donné les circonstances locales (telles que l'absence d'offres commerciales ou le prix excessivement élevé de la transmission de données par rapport aux usages internationaux), et l'affaiblissement du soutien international, les organisations à but non lucratif pourraient être incitées, au nom du "développement durable", à des pratiques de type plus commerciales afin d'équilibrer leurs finances, en recouvrant le montant de leurs frais.
Les situations dans le cadre desquelles les réseaux de la recherche sont devenus de véritables concurrents des opérateurs des télécommunications devraient progressivement disparaître:
Quoi qu'il en soit, la négociation reste le meilleur moyen de faire évoluer la situation sans léser les deux parties.
Du point de vue du réseau de chercheurs
La première raison, évidente, pour laquelle un réseau de chercheurs national devrait engager des contacts est l'allégement de sa facture de télécommunications, la plus importante de ses dépenses. Mais il y a d'autres raisons encore, telles que :
Du point de vue de l'opérateur des télécommunications
Le premier argument est purement commercial. Si les dirigeants prêtent attention, au-delà de la hausse des recettes à court terme, à l'élargissement du marché à long terme, ils trouveront d'excellentes raisons pour négocier avec les représentants des réseaux de recherche. En effet, offrir des accès économiquement attractifs aux chercheurs, qui en retour susciterait indirectement une demande chez les utilisateurs commerciaux, pourrait se révéler plus productif que d'onéreuses campagnes publicitaires qui ne résolvent pas le "syndrome de la poule et de l'oeuf". Par ailleurs, ces utilisateurs qualifiés procéderaient ainsi, en quelque sorte, à un banc d'essai et à un test de la "version béta" - efficaces et gratuits - de leurs services, versant ainsi un atout de plus au bilan économique[7].
Il existe une autre raison d'ordre commercial. L'infrastructure nationale d'information est en général lente à se mettre en place dans les pays du Sud. Encourager le monde de la recherche à satisfaire les besoins initiaux pourrait les aider à organiser une première base nationale d'information, complément nécessaire pour susciter l'intérêt des utilisateurs nationaux à se connecter, mais aussi un élément fondamental pour ouvrir leur marché aux clients extérieurs. En outre, cela créerait des sites locaux d'information qui rendraient possibles la collaboration et le développement à l'échelle locale.
La dernière raison est que cela pourrait rehausser leur image d'entreprise attachée au développement du pays.
Les conditions d'une relation de profit mutuel existent lorsque :
Pour convertir ces conditions en de réels et productifs partenariats, certaines exigences doivent être satisfaites, qui ne sont que le reflet d'une gestion efficace et d'un respect réciproque :
De la part du réseau de chercheurs :
L'opérateur de télécommunications pourrait être effrayé de situations dans lesquelles les engagements institutionnels sont détournés par des individus, et pourrait douter de la capacité du réseau de chercheurs à contrôler et à éviter que ce genre de choses se produise. Chaque fois que des éléments commerciaux profiteront abusivement des avantages concédés au secteur de la recherche, cela nuira à la crédibilité du secteur de la recherche et constituera une menace pour un futur accord. Cette question de limite est particulièrement cruciale lorsque le contexte fourmille d'exemples d'irrespect des questions juridiques (comme les droits d'auteur sur le logiciel) et doit être très sérieusement prise en considération. Le renforcement correct de la "Netiquette" est une des bases de l'accord, avant, pendant et après la phase de négociation. Les représentants des réseaux de recherche doivent admettre qu'il n'est pas concevable qu'ils puissent dans le même temps soutenir qu'ils aideront le marché à émerger et fermer les yeux devant l'appropriation illégale, par certains utilisateurs commerciaux déguisés en membre du secteur recherche, des recettes attendues de leurs partenaires[8]!
De la part de l'opérateur de télécommunications :
L'indépendance des chercheurs vis-à-vis du monde des affaires doit être respectée, de même que leur liberté de mettre sur pied des accords avec d'autres entreprises, dans un cadre de libre concurrence[9]. Cette dernière est certainement une des questions les plus épineuses de ce processus de négociation et devrait être traitée avec tout le tact nécessaire par le réseau de chercheurs. Le succès de EARN à s'assurer un soutien simultané de la part des principaux leaders du secteur informatique dans les années 80 devrait servir de modèle. Toutefois, il faut être conscient du fait que le contexte économique des pays du Sud n'est pas toujours propice, et il faudrait donc prévoir un processus d'apprentissage progressif. Plus les réseaux de la recherche progresseront en termes de "Netiquette", plus il seront capables de se faire accepter des opérateurs de télécommunications en tant que partenaires non exclusifs.
Avec de bonnes relations, cette préoccupation diminuera à mesure que la pratique se développera et que les débouchés se multiplieront, faisant des utilisateurs du réseau de chercheurs une petite partie d'une base d'utilisateurs en expansion. Leur importance qualitative ne doit cependant pas être négligée.
Les membres de réseaux de la recherche devraient s'attacher à une approche basée sur les résultats à moyen et à long terme. Ils devraient tenter d'identifier, au sein de la structure de l'opérateur de télécommunications, quelles sont les personnes qui, de par leurs fonctions (et sur le plan personnel), sont les plus aptes à envisager cette coopération dans ses perspectives à long terme. Sans aucun doute, cela ne peut se rencontrer dans le secteur du marketing ou des ventes! En fait, en fonction de la taille de l'entreprise et de l'étendue de la structure hiérarchique, ils devraient orienter les négociations avec les cadres de la direction ou les responsables de la stratégie marketing à long terme.
Le succès d'une négociation est fonction de quatre facteurs fondamentaux :
En principe, les meilleurs conditions sont réunies lorsqu'existe un secteur compétitif aspirant à la création d'un marché pour les réseaux à valeur ajoutée et les données.
Dans le cas d'un fort monopole et d'une faible propension à négocier directement avec les réseaux de la recherche, il serait judicieux d'impliquer les représentants officiels de la Science et de la Technologie ou de l'Éducation et de les laisser négocier au nom du réseau de chercheurs. Il peut arriver que la situation soit complètement bloquée et que les représentants de la société de télécommunications, seulement préoccupés par le très court terme, ne souhaitent même pas reconnaître qu'ainsi ils jettent les bases d'un marché « en court-circuit » (by-pass). Il est possible alors de faire appel à des tactiques alternatives, telles que les communications par satellites ou les communications directes vers d'autres pays. Dans des situations extrêmes, les solutions pratiques peuvent entrer en contradiction avec les stratégies proposées; il ne faut malgré tout pas oublier qu'il s'agit d'actions tactiques visant à modifier les conditions objectives de la négociation et que lorsque cela finit par se produire, le rôle du réseau de chercheurs n'est surtout pas de concurrencer l'opérateur de télécommunications.
Pour résumer l'argumentation présentée, une analyse du marché télématique montre que la technologie est plus avancée que l'aptitude de la clientèle potentielle à en tirer profit. L'apprentissage de la clientèle est très lent et les frais engagés dans la promotion commerciale ne contribuent pas forcément à son accélération. Une politique qui favorise l'accroissement du nombre d'utilisateurs de la télématique par le biais d'une promotion destinée à un public pilote est plus rentable à moyen et à long terme, si ce dernier constitue un segment très réduit du marché pouvant avoir un impact très fort sur toute la clientèle potentielle. Ce segment se compose des universitaires, des chercheurs et des acteurs de la société civile (institutions à but non lucratif). La négociation entre les opérateurs de télécommunications (et/ou les fournisseurs de services Internet commerciaux) et les réseaux à but non lucratif peut mener à des accords qui profitent à la fois à chacune des parties et à l'ensemble de la société.
("Construire des réseaux pour la recherche dans les pays en développement ce n'est pas vraiment la même histoire!", INET93, San Francisco, 8/93)
[1] L'UIT et l'Unesco ont organisé une conférence à Genève, en novembre 1993, sur les « Contraintes économiques à l'utilisation effective des télécommunications dans l'éducation, les sciences, la culture et la circulation de l'information ». Cette manifestation réunissait des représentants des « communautés de l'Unesco » (agence de presse, recherche et culture) et des télécommunications. Les représentants des opérateurs (de la section Tarifs) ont accepté un dialogue franc et ouvert. Parmi les conclusions qui allaient servir de référence à la Conférence Générale de l'UIT, à Buenos Aires, en mars 1994 : « encourager le partenariat et les co-entreprises entre les opérateurs de télécommunications et les utilisateurs de la communauté de l'UNESCO ». Il était très intéressant de noter que les personnes les moins disposées à accepter cette argumentation lors de la conférence ont en commun d'appartenir à un fort monopole national des télécommunications et de se consacrer uniquement au marché de la téléphonie. Référence: "Le droit à communiquer: quel est son prix?", Rapport UNESCO/CII-95-WS/2, 1995.
[2] Le réseau de chercheurs dominicains,
REDID a pu être opérationnel, depuis sa naissance, en mai 1992,
grâce au soutien de l'opérateur Codetel, une filiale de la GTE,
qui offre un accès gratuit à son système de courrier
électronique (UUCP) et achemine vers l'Internet les communications
du secteur recherche depuis et vers l'Université de Porto Rico, à
ses frais. Cet accord a été conclu sous la forme d'un contrat
renouvelable d'un an qui définit les droits et les devoirs de chaque partie.
En juillet 1995, sous la conduite de FUNREDES, REDID s'est associé à
l'opérateur AACR dans un projet de formation où les trois partenaires
se sont associés pour créer des ressources humaines qualifiées
pour gérer leurs services Internet respectifs. Cet accord a permis à
AACR d'être le premier fournisseur Internet de la République Dominicaine
et à FUNREDES et REDID de disposer de personnel qualifié, sans
investissement. Finalement, FUNREDES obtenait la mise en canal direct de son serveur
Internet
[3] La plupart des concepts et considérations de cet article peuvent s'appliquer à d'autres types de réseaux sans but lucratif (comme par exemple des réseaux d'ONG ou des réseaux communautaires).
[4] Le fait que les réseaux deviennent essentiels pour le fonctionnement réel et efficace de la société civile et du secteur public est de plus en plus largement admis. Le facteur temps est devenu crucial pour ce qui est en jeu, depuis la progression d'Internet pour devenir un nouveau média de communication commercial avec les risques de perte de l'interactivité.
[5] En effet, dans le cas de REDID, grâce à cette opération, 20 % des clients de l'opérateur privé ont pu bénéficier initialement de l'offre d'accès gratuite. Cependant, l'entreprise Codetel n'a pas perdu ces clients pour des services complémentaires, et la croissance de REDID, sans la moindre campagne de promotion commerciale, a entraîné la croissance des clients commerciaux de Codetel: l'effet est évident si on observe les courbes du nombre total d'utilisateurs.
| 01-88 | 30 | 0 |
| 06-92 | 40 | 10 |
| 12-92 | 75 | 25 |
| 12-93 | 225 | 75 |
| 06-94 | 400 | 110 |
[6] L'étude de REDID, un an après l'accord, a montré que REDID touchait plus de clients que le secteur commercial (grâce à un marketing plus agressif), mais après la deuxième année le coefficient de la courbe commerciale s'est considérablement élevé, malgré l'absence de promotion commerciale.
[7] Il s'agit du modèle "diffusion - réponse - révision" qui est de plus en plus utilisé par les géants de l'industrie des logiciels.
[8] Par exemple, si un chercheur dispose d'une adresse électronique grâce à son statut et que, dans le même temps, il dirige une entreprise, il doit savoir que le courrier électronique de son entreprise doit être acheté dans le commerce et que l'utilisation de son courrier électronique de chercheur à des fins commerciales constitue une violation du règlement du réseau de chercheurs.
[9] Sur ce point, la trajectoire de négociation de FUNREDES avec les trois opérateurs de la République dominicaine, où la tradition est très marquée par la relation unilatérale, a rompu avec les usages en vigueur.
[10] Dans le cas de REDID, les premières négociations ont commencé en 1989, dans un contexte de monopole privé. Cette situation a changé en 1992, lorsque l'arrivée sur le marché de deux opérateurs privés a provoqué une concurrence féroce dans le domaine de la téléphonie (mais le domaine de la transmission des données est resté peu attractif à court terme). En 1995, la mise en place d'autres partenariats avec chacune des entreprises de télécommunications était devenue possible. En Haïti, le processus a été plus lent et plus difficile dans un contexte très différent: monopole d'état pour les télécommunications, petite entreprise privée seule sur le marché des données. La persistance des acteurs clefs de la négociation dans les deux camps a finalement permis l'entente.
[11] Cette campagne est le seul, mais ô combien irritant, avantage dont n'a pu bénéficier REDID lors de son accord avec Codetel. Une telle campagne était prévue mais, pour des raisons indépendantes de la volonté de REDID, elle n'a jamais eu lieu. Sa réalisation aurait donné un élan décisif à la création du marché national de courrier électronique. Ces aspects relèvent du pouvoir exclusif de décision des entreprises. En fin de compte, l'histoire des réseaux aurait été radicalement différente dans ce pays si cette campagne avait été mise en place.